Sortir du nucléaire: prochain débat DA 06

Publié le par Presence Sud Europe

Le prochain débat de Désirs d'avenir 06  portera sur la sortie du nucléaire.

Ségolène Royal nous invite à débattre sur ce sujet sur son blog:

Débat public : l’Après pétrole, l’après nucléaire : comment ?

Quelques pistes proposées par Loïc

 

 

L’après Fukushima


Il y avait un avant Fukushima. Nous sommes maintenant dans l’après Fukushima. Threemiles Island, Tchernobyl avait donné de sérieux avertissements. Ici et là, la multiplication des incidents nucléaires, avait annoncé la réalité et la gravité des risques et avait fait craindre l’incapacité humaine à les prévoir et à réparer les dommages qu’ils entrainent. Fukushima confirme que des risques majeurs, durables et irrémédiables existent et constituent une menace considérable humainement inacceptable.

Les chiffres sont variables et très incertains quant au bilan de l'accident nucléaire de Tchernobyl, de 28 morts à 1 million de morts selon les sources et les estimations. L'estimation la mieux établie (16.000 décès à l'horizon 2065) est sans doute en dessous de la réalité car elle sous estime l’impact des cancers dans les zones touchées par le nuage. Pourtant les évidences sont là, au delà des "enfants de Tchernobyl",  l’augmentation des maladies cancéreuses dans tous les pays touchés par le nuage est maintenant avérée.

Les accidents sont imprévisibles, inévitables et leurs conséquences d’une gravité et d’une durée considérables. Les risques dépassent les capacités humaines à les prévoir, à les éviter, à les arrêter et même à réparer les dommages qu’ils entrainent. Tôt ou tard, d’autres Tchernobyls et d’autres Fukishimas auront lieu,  provoqués par des erreurs humaines, des disfonctionnements, des séismes, des inondations, des sécheresses, des accidents d’aviation,  des actes de guerre,  des attentats,  ou des événements imprévisibles. Tôt ou tard  d’autres Tchernobyls et d’autres Fukishimas auront des conséquences catastrophiques et irrémédiables sur la sécurité, sur la santé, sur la vie.

Fukushima confirme que le risque majeur, durable et irrémédiable existe et constitue une menace considérable humainement inacceptable.

Après Fukushima il l n’y a pas d’autre choix possible que celui de la sortie du nucléaire. La question n’est plus pourquoi. Les questions sont quand et comment.


La part du nucléaire

Seulement 13,5% de l’électricité mondiale est produite par les centrales nucléaires. Le Conseil Mondial de l’Énergie évalue à 8 % la part du nucléaire dans le bilan mondial de l’énergie totale en 2050 sur la base de scenarios très nucléarisés. C’est en France que la situation est la pire: le nucléaire représente aujourd’hui en France 75% de l'énergie électrique qui elle-même représente 17%  de l’énergie totale. Le nucléaire c’est donc déjà 12,75% de l'énergie totale en France, mais ce n’est que 12,75% de l’énergie totale.

La réalité c’est que la part de l’énergie nucléaire est faible et que l’on peut parfaitement se passer du nucléaire.

Les inconvénients du nucléaire

Le nucléaire cumule les inconvénients:

·         Le processus de fission nucléaire a d’abord un inconvénient structurel. La fission nucléaire est dangereuse par nature car la fission nucléaire est un processus divergent: lorsque la réaction de fission est amorcée, au delà d’un seuil critique qu’il est nécessaire de franchir pour produire de l’énergie, la réaction s’accélère si on ne la ralentit pas si on ne la contrôle pas pour la freiner. Donc lors d’un accident ou l’on perd le contrôle de la réaction par exemple avec une panne de refroidissement, la réaction nucléaire laissée à elle-même diverge: elle s’amplifie et s’accélère  au lieu de s’arrêter. Ceci est spécifique au nucléaire puisque les autres réactions et mécanismes de production d’énergie, en cas d’accident n’accélèrent pas mais s’arrêtent d’eux même faute d’activation positive: c’est le cas d’une combustion que l’on n’alimente plus, d’une turbine qui ne reçoit plus d’eau etc.. Ces derniers s’arrêtent d’eux même après un accident. Une réaction de fission nucléaire laissée hors contrôle a la spécificité de continuer, d’accélérer.

·         Par ailleurs la fission nucléaire produit inéluctablement des déchets qui restent radioactifs donc dangereux pendant des années, des siècles voire des dizaine de milliers d’années pour certains sans aucune possibilité d’arrêter le processus de radiation. Cette rémanence irrémédiable du danger est aussi spécifique au nucléaire. Elle constitue en elle-même une menace humainement inacceptable.

·         Vu sa faible proportion dans le mix énergétique mondial même à l horizon 2050, le nucléaire n’est pas une solution ni au problème de l’effet de serre, ni à l’épuisement des énergies fossiles.

·         Le nucléaire ne garantit pas l’indépendance énergétique française. Les centrales utilisent 100% d’uranium importé.

·         La prolifération des matières radioactives constitue une menace contre  la paix et  la sécurité, la pénurie de ressources d’énergie dans les pays riches conduisant à des tensions et des risques de guerre pour le contrôle des ressources. Les stratégies énergétiques mondiales mènent aussi à la marginalisation accrue des pays les plus pauvres.

·         Le nucléaire coute cher. Le parc nucléaire français qui ne peut pas suivre les variations de consommations journalières et saisonnières est par construction surdimensionné et l’on a poussé à  l’utilisation d’équipements énergivores pour utiliser plus d’énergie électrique en moyenne. De plus même si le pris du KW Heure nucléaire parait compétitif, la construction des centrales, leur démantèlement, le retraitement des déchets, l’impact sur la santé publique, le coût des accidents s’ajoutent pour constituer un cout réel total qui est considérable mais dont le lobby pro nucléaire s’abstient bien de parler.

·         Le nucléaire n’est pas souple. Le démarrage et l’accélération des centrales sont lents et ne peuvent s’adapter aux changements rapides de demande de consommation (heures de pointes)

·         Depuis le début, le choix du nucléaire en France a été une décision technocratique centralisée imposée sans aucun contrôle démocratique. Il est temps maintenant de s’informer, de débattre et de décider démocratiquement. Le temps du monopole de décision laissé au lobby technocratique est révolu.

·         Le nucléaire ne fait aucune promesse pour l’avenir. Une alternative aux grandes centrales nucléaires serait  la banalisation du micro nucléaire c’est à dire la  multiplication de micro-sites nucléaires beaucoup moins puissants que ceux actuellement en action et mieux répartis sur le territoire. Une telle approche, développée par le CEA pour les sous-marins, permettrait de réduire les couts de confinement et de mise en sécurité par rapport aux  grandes centrales actuelles, d'économiser aussi sur la distribution et les réseaux et enfin de réduire la magnitude et la visibilité immédiate des accidents. Hélas ni les grandes centrales nucléaires de nouvelles génération, ni la banalisation du  micro-nucléaire ne règlent les problèmes du nucléaire ni la sécurité passive, ni le problème des déchets, ni le remplacement des énergies fossiles, ni l’épuisement des ressources d’uranium, ni le gaspillage de la chaleur générée. Quant aux technologies futuristes visant à mettre en œuvre la fusion nucléaire,  elles n’ont toujours pas prouvé qu’elles pouvaient tenir leur promesses de propreté, de sécurité, d’efficacité, d’indépendance et de rentabilité. Bien des efforts de recherche et des développements fondamentaux et considérables sont nécessaires sans garantie de résultat, avant qu’elles ne voient éventuellement le jour d’ici un demi-siècle au mieux.


Les choix politiques

Malgré tous ces éléments objectifs qui plaident contre le nucléaire, il y a 25 ans, après Tchernobyl,  le lobby nucléaire occidental, France en tête, a maintenu sa stratégie. Il avait trouvé un argument choc: Tchernobyl c’était le résultat de la gestion bureaucratique, incompétente et inefficace, propre au système soviétique. Le même accident était impossible chez nous. Mais aujourd’hui c’est le Japon une nation technologiquement avancée, le premier producteur mondial d’électricité nucléaire qui est frappé. Après Fukushima, la réaction de la plupart des gouvernements occidentaux, c’est le refus de sortir du nucléaire. On essaie de tranquilliser l’opinion publique avec la promesse d’une sérieuse révision de la sécurité des centrales. On essaie même en France de mettre en avant les bénéfices secondaires de l’accident  au Japon. La France champion de la technologie et de la sécurité nucléaires va exporter sa technologie et son savoir faire à prix fort pour en tirer un avantage commercial important! 


Il y a 25 ans la France n'a pas réagi à Tchernobyl et elle s'est maintenue dans sa vieille option  nucléaire. Une évolution timide pour sortir du « tout nucléaire » vers du « moins nucléaire mais avec encore du nucléaire » ne résout pas le problème posé.

Avec le Grenelle de l’environnement, sous la pression de l’opinion publique on avait insisté sur la réduction des énergies fossiles pour réduire les émissions de gaz à effets de serre tout en faisant l’impasse sur le débat nucléaire c’est a dire en laissant passer le nucléaire pour une énergie propre.

Après Fukushima le risque s’inverse. Sous la pression de l’opinion publique, dans beaucoup de pays on va peut être réduire les projets d’expansion de l’industrie nucléaire avec en contre-partie une fuite en avant dans les énergies fossiles les plus « sales »:  le gaz de schiste, les sables bitumineux, le pétrole off shore, le charbon….

Le seul choix politique sensé c’est celui d’une véritable transition énergétique écologique. Ce choix passe d’abord par le refus de cette fausse alternative entre énergies fossiles et réchauffement climatique d’une part et énergie nucléaire centralisée ou repartie mais toujours à haut risque d’autre part. Il passe aussi par le choix dune stratégie et d’un calendrier de sortie complète du nucléaire.

Il s’agit bien en priorité de résoudre le problème le problème français des 12,75%  de nucléaire c'est-à-dire de sortir définitivement du nucléaire dès que possible, pour continuer ensuite de réduire les fossiles. En France, laisser croire qu’il faut 30 ou 40 ans voire plus pour sortir complètement du nucléaire c'est faire le jeu du lobby nucléaire, en le laissant construire ou rénover des centrales qui vont durer encore un demi siècle. 


Comment sortir du nucléaire sans augmenter les émissions de gaz à effet de srre ?

 

Fournies par le soleil, le vent, la chaleur de la terre, les chutes d’eau, les marées la houle, l’energie hydrolienne ou encore la croissance des végétaux, les énergies renouvelables n’engendrent pas ou peu de déchets ou d’émissions polluantes.

 

Elles participent à la lutte contre l’effet de serre et les rejets de CO2 dans l’atmosphère, facilitent la gestion raisonnée des ressources locales et  génèrent des emplois.

 

Le solaire (solaire photovoltaïque, solaire thermique), l’hydroélectricité, l’éolien, la biomasse (bois énergie, biogaz et biocarburants), la géothermie sont des « énergies flux »  inépuisables par rapport aux « énergies stock » tirées des gisements de combustibles fossiles en voie de raréfaction.

 

Ces technologies notamment le solaire et l'éolien ont atteint une maturité qui permet de passer à de la production en volume.

 

Les rendements des systèmes photovoltaïques font des progrès considérables et rapides.

 

L'éolien offshore est une réelle opportunité pour la France qui dispose d'un grand littoral sous des influences climatiques variées.

 

Enfin la combinaison des ces sources permet de lisser en partie les baisses de production de chacune d'elles isolément.

 

Les grandes questions à propos des énergies renouvelables sont : Comment les capter, les stocker, les transformer? Sous quelle forme les utiliser?

 

La sortie du nucléaire sans augmentation des émissions de Gaz à Effet de Serre passe par la maîtrise de ces énergies renouvelable. Quelques principes fondamentaux émergent d’ores et déjà :

 

·         La production d’énergie y compris d’énergie électrique doit se faire à partir de sources d'énergies renouvelables.

·         La diversification des sources d'énergies renouvelables doit s’appuyer sur des stratégies de complémentarité, de décentralisation et de mise en réseau pour viser une efficacité maximale.

·         Le stockage de l’énergie doit se développer à divers niveaux: production, distribution, utilisation pour lisser les variations dues aux productions intermittentes et aux consommations variables.

·         Les économies d’énergie basées sur l’augmentation de l’efficacité et de la sobriété énergétique sont fondamentales.

 

 

 

Le stockage de l’énergie

 

Les sources d’énergie éoliennes, solaires, hydrauliques et maritimes sont intermittentes ou irrégulières. La quantité d’énergie produite varie dans le temps avec le vent, l’ensoleillement, l’amplitude des mouvements de la mer, le débit des chutes d’eau, etc…. Il est donc nécessaire de stocker partie de l’énergie produite par ces sources intermittentes ou irrégulières pour restituer de l’énergie en quantité suffisante en période de besoin et/ou de manque de production.

Il existe des techniques de stockage de l’énergie sous forme mécanique adaptées pour le stockage de fortes quantités d’énergie. C’est le cas des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage). Ce sont des centrales hydrauliques avec deux réserves d’eau une réserve inférieure et une réserve supérieure. Pour produire de l’électricité l’eau active des turbines en « chutant » de la réserve supérieure vers la réserve inférieure. Pour emmagasiner de l’énergie ces centrales utilisent  l’électricité produite par une source intermittente (au moment ou elle est produite) pour pomper de l’eau vers la réserve supérieure. Ces dispositifs peuvent par exemple être combines à des parc éoliens notamment offshore (en mer) ou a des usines houlomotrices ou  marémotrices. Un autre procédé de stockage d’énergie sous forme de gaz comprimé dans des cavités souterraines étanches offre un moins bon rendement mais peut être une alternative dans les configurations géographiques ou l’installation de STEP est impossible. (Il existe des exemples aux USA et en Allemagne).

 

Il est aussi possible de stocker l’énergie sous forme chimique notamment sous forme d hydrogène ou de composé solide d’hydrogène,  pour des piles a combustible .Enfin la technologie des batteries électriques qui permet de stocker de l’énergie électrique sous forme chimique en plus petite quantité, mais disponible instantanément fait elle aussi fait des progrès considérables grâce à l’utilisation du lithium. Elle se développe rapidement pour les véhicules hybrides ou électriques, après des premiers progrès considérables pour les téléphones mobiles.

 

Pour une sortie complète du nucléaire.

C’est donc une sortie totale du nucléaire de toute forme qui s’impose, avec un développement concomitant de la production et du stockage d’énergie à partir de toutes les formes d'énergies renouvelables. Cette sortie du nucléaire dés que possible s’impose après Fukushima comme un objectif majeur, comme un choix de civilisation fondamental pour la vie et pour le progrès de  l’humanité. Il n'existe pas une seule raison valable pour tergiverser et ne pas formuler comme objectif prioritaire la sortie du nucléaire dès que possible

 

Pour une position en pointe du PS sur la sortie du nucléaire

Dans ses négociations avec ses partenaire EELV, Front de gauche etc.. le PS a tout intérêt a être en pointe et sans concessions sur la sortie du nucléaire. Il ne doit pas sous traiter la sortie du nucléaire aux écologistes. Il ne doit pas perdre le leadership de la gauche aux profit de plus antinucléaire que lui.  Il peut prendre une position de leadership sur une sortie du nucléaire qui serait en fait une entrée dans le développement des énergies renouvelables, source de croissance durable et d’emplois utiles. S’il n’y prend pas garde, il risque d arriver au PS la même chose qu'aux sociaux démocrates allemands qui sont en train de perdre leur leadership à gauche au profit des Verts.

Depuis Fukushima la situation a changé, le risque majeur est confirmé, la sortie du nucléaire s’impose comme un choix de civilisation, la population est de plus en plus méfiante vis  à vis du nucléaire. Il est encore temps pour le PS de ne pas l'ignorer, de ne plus trainer les pied et de prendre le leadership dans ce domaine.

En ce sens l’actualité de Fukushima offre à la France et au PS l’opportunité de réagir de faire preuve de leadership, en proposant la sortie du nucléaire comme un stratégie de civilisation et de proposer des solutions de croissance économique et d’emploi basées sur des alternatives énergétiques qui ont du sens dans le long terme.

La sortie en sécurité du nucléaire, le développements des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité et de la sobriété énergétique offrent à la France l’opportunité de relancer l’économie et l’emploi sur la base de développements durables, utiles, à fort contenu technologique, bien adaptés à l’exportation. En 10 ans l’Allemagne a créé 340 000 emplois grâce aux alternatives énergétiques. La France peut faire aussi mieux et c’est au PS de le  prendre en charge.

 

Proposition

C’est dans ce contexte que des camarades du PS notamment avec le groupe de la Coopol,

« La sortie du nucléaire n’est pas une utopie » font une proposition d’amendement du projet socialiste pour une sortie complète du nucléaire avec la ferme volonté que le projet soit amendé dans ce sens et la conviction profonde que le candidat PS qui sortira des primaires saura adopter une position claire et un leadership évident quant à l’objectif et au calendrier pour la sortie complète du nucléaire en France.


Nous verrons bien si la convention du PS du 28 mai intégrera cet amendement.


 

En Europe,

L'UE harmonise la réglementation sur les fruits et légumes, mais pas sur la sécurité nucléaire. Après Fukushima, il est aberrant que les Etats continuent de décider seuls, sans contrôle et dans l'opacité, déplore un journaliste allemand.Lire l'article 'réglementez le nucléaire pas les bananes'

Lire également enSuisse

Berne annonce sa sortie du nucléaire

Berne annonce sa sortie du nucléaire

L'Allemagne l'a évoqué, la Suisse va le faire : c'est officiel, Berne va renoncer à l'énergie nucléaire d'ici à 2034. Cinq réacteurs sont aujourd'hui en activité et ils représentent plus de 40% de l'électricité produite. C'est la ministre de l'Energie Doris Leuthard qui l'a annoncé, le 25 mai, en présentant la nouvelle stratégie énergétique de la suisse jusqu'en 2050, explique la Tribune de Genève.

 


Maciej Frolow
 

 


 Ce sera le prochain débat thématique DA06

 

Loïc et Véronique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article