Primaires à l'italienne: un exemple à suivre?

Publié le par Presence Sud Europe

Les primaires du Parti Démocratique : un exemple à suivre ?

 

 Les primaires du Parti démocrate italien qui désigneront le futur chef du premier parti d'opposition, entrent dans leur dernière phase. L'ancien ministre de l'économie Pierluigi Bersani a remporté la première manche. Mardi 29 septembre, il était en tête du vote des militants qui s'achevait mercredi 30, une donnée qui a été confirmée par les résultats définitifs connus le 8 octobre.

 Pierluigi Bersani obtient la majorité des votes des 466 572 militants du PD qui ont voté avec 55,13 % des préférences contre 36,95 % obtenus par Dario Franceschini, secrétaire sortant, tandis qu’Ignazio Marino, cardiologue de renommée internationale prêté à la politique,  arrive à 7,99 %. Ces données officielles qui concluent la première phase d’une compétition à laquelle ont participé 56,99 % des encartés du Parti Démocratique arrivera à son aboutissement le 25 octobre,  cette fois-ci avec le vote, aussi, des électeurs (que l’on présume sympathisants de gauche). Toutefois, la partie n’est pas gagnée, comme s’empressent de souligner les partisans de MM Franceschini et Marino puisque le vrai vote, celui du 25 octobre, pourrait réserver des surprises. En effet,  ce jour-là,  des personnes non inscrites à un Parti seront appelées à choisir le secrétaire de ce même parti. 

 Il n’est pas faux de penser que ces primaires, paradoxales s’il en faut, contiennent un facteur d’incertitude qui doit faire réfléchir. Les militants ont été appelés, en septembre, à choisir les motions liées à chaque candidat (Bersani, Franceschini et Marino) ainsi que les candidats des fédérations liés à ces mêmes motions.  Le 11 octobre prochain, la convention du Parti Démocratique a validé les candidatures des trois postulants et le 25 octobre les militants et les électeurs pourront choisir le nouveau secrétaire du PD.  Enfin, les  primaires pourraient faire l’objet de manipulations par les sondages – qui dit sondages peut vouloir dire le camp d’en face - le militant étant nécessairement souvent tenté de voter moins en fonction de ses convictions que des chances de succès de tel ou tel candidat. On prévoit déjà que le troisième contendant, le très laïc Ignazio Marino, pourrait faire un score très supérieur à son actuel petit 8 %.

Comment en est-on arrivé à cette première victoire de Pierluigi Bersani. Dans le statut du parti démocratique né le 14 octobre 2008 par la volonté de l’ancien secrétaire Walter Veltroni, l’envie de faire bouger les choses, de rajeunir le parti et d’élargir le plus possible les assises consensuelles ont amené les fondateurs à décider que, pour avoir le plus de chance de gagner, tous les électeurs devaient être appelés à choisir le secrétaire du parti. Ainsi faisant, ce parti deviendrait le plus rassembleur possible comme devrait l’être un grand parti réformiste. Un pas avait déjà été fait puisque le parti démocratique était né de la fusion entre les Démocrates de Gauche, eux-mêmes nés de l’ancien Parti Communiste Italien et de la Marguerite, parti catholique modéré, plus conservateur, né  après l’effondrement de la Démocratie Chrétienne.

 Cet enthousiasme suscité par cette envie de faire  du « tout participatif »  est renforcé par  le souvenir des 3,5 millions d'électeurs qui s’'étaient rués en 2005 dans les bureaux de vote pour plébisciter Romano Prodi comme candidat du centre gauche aux élections législatives. Puis, en 2007, Walter Veltroni avait lui aussi été désigné avec presque autant de voix pour prendre la tête du parti et se présenter contre Silvio Berlusconi aux élections politiques.

 Mais en 2009, avec une gauche très affaiblie qui a subi une cuisante défaite aux dernières élections européennes, cette nouvelle campagne électorale pour les primaires - un deuxième tour est prévu au cas où aucun des concurrents ne dépasserait 50 % des voix - pourrait asséner un coup mortel à l’équilibre encore très précaire de ce jeune parti. Il est cependant tout aussi vrai que ces primaires pourraient permettre de mettre noir sur blanc un programme clair qui donnerait une identité moins confuse à ce parti démocratique qui renferme en son sein des laïcs, des réformistes et des catholiques plus conservateurs. 

 Toutefois, il y a lieu de se demander si le secrétaire qui ressortira du vote des militants et des électeurs rassemblés sera pour autant légitimé.  En effet, les encartés qui ont choisi une motion et avec cette motion un candidat au secrétariat et avec lui un responsable de fédération, pourraient  voir leurs préférences invalidées par le choix ultime des électeurs. Qu’en sera-t-il alors de l’équilibre du parti et de son fonctionnement ?

 Il est légitime de se demander si les primaires qui suscitent l’enthousiasme en Italie, pays où le paysage politique est extrêmement fragmenté, et séduisent les socialistes français seraient la solution miraculeuse pour donner une réponse définitive aux graves problèmes dont souffre la gauche en Italie et en France.  Un problème de crédibilité et de programme d’une gauche qui ne sait plus convaincre.  Et aussi, ces primaires qui sont ouvertes à tous pour rassembler le plus possible autour d’un nom et d’un programme ne seraient-elles par l’antichambre du compromis et qui dit compromis dit, malheureusement, programme revu à la baisse dans ses ambitions réformistes ?

Les primaires semblent s'inscrire dans un phénomène dont on parle beaucoup, celui de la personnalisation de la vie politique, qui passe paradoxalement par une "participation" accrue des citoyens. Cette participation se fait en effet au détriment des corps intermédiaires que sont les partis et leurs militants, dont le rôle tend à être dilué dans une masse qui dialogue directement avec un leader - idéalement - charismatique, qui du coup obéit moins à un programme et à une idéologie qu'aux attentes supposées de l'opinion. On objectera que c'est plus démocratique que l'espèce de suffrage censitaire qui régissait jusqu'à présent une vie politique organisée par les partis. On peut toutefois noter qu'on abandonne ainsi une tradition de militantisme plus nettement ancrée à gauche qu'à droite, pour se rapprocher du modèle américain, au sein duquel les partis sont surtout des organisateurs de campagnes électorales. Ce modèle, appliqué à la France, n'avantagerait-il pas structurellement une droite qui est l'héritière du bonapartisme via le gaullisme, et privilégie le dialogue direct du chef avec les masses, par opposition avec notre tradition de bavards raisonneurs ?
Est-ce une évolution inéluctable, une modernisation nécessaire pour nous sortir de notre fameuse ringardise? Le déclin électoral du PS semble créer une situation comparable en France, et peut-être serait-il bon d'appliquer ce système, à moins que l'on considère que le premier tour de la présidentielle, qui n'existe pas en Italie, constitue en réalité une primaire à la française.

Quoi qu’il en soit, il apparaît nécessaire de définir un programme clairement réformiste qui appuie sur l'essentiel : en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni, en France, les partis sociaux-démocrates semblent bloqués à 25 % des suffrages, ce qui favorise l'émergence de forces concurrentes au discours plus radical (Italie Des Valeurs, Die Linke, etc). Pourquoi ne pas arrêter de “draguer” un hypothétique électorat centriste pour se concentrer sur le socle historique des partis de gauche pour s’engager plus sûrement sur la voie du renouveau ?

                                                                                                                              Anne-Claire Jarry
                                                                                                                Secrétaire de la Section de Rome
Article transmis par René Maret dans le cadre du jumelage des sections

Publié dans Jumelages

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