"Stratégie durable","l'autre politique": deux articles sur la méthode Royal

Publié le par Presence Sud Europe

Deux articles fort intéressants pour tous ceux qui s'interrogent sur le silence de Ségolène Royal ou sur sa participation ou non à l'université d'été de EAG.

Travail, patience, et politique par la preuve en guise de réponse.Du concret, des projets!

V.L-H

LE MONDE | 09.07.09

" Impavide face à des sondages qui la malmènent toujours, médiatiquement discrète, Ségolène Royal applique une règle d'or de son mentor, François Mitterrand : donner du temps au temps. Confrontée à l'échéance proche des élections régionales, en mars 2010, la présidente de la région Poitou-Charentes "se refuse à gamberger" sur sa stratégie pour 2012. Elle n'a renoncé à rien et se prépare tranquillement à être de nouveau candidate à l'investiture socialiste pour la présidentielle. Apaisée, pacifiée, elle s'inscrit dans la durée. Une "stratégie durable".

Alors que, comme à la fin des années 1960, quand la SFIO se mourait de mort lente, les clubs fleurissent de tous côtés - avec en derniers nouveau-nés ceux de Manuel Valls, A gauche, besoin d'optimisme, et de François Hollande, Répondre à gauche-, Mme Royal réactive Désirs d'avenir et se ménage un espace au sein du Parti socialiste. "Le parti c'est ma famille", assure la nouvelle vice-présidente de l'Internationale socialiste. Elle a été choisie par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour faire entendre la voix, écologique, des régions à la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique, en décembre.

Mme Royal fait de sa discrétion une arme. En s'exprimant avec parcimonie, elle se dissocie du choeur des procureurs prompts à dresser l'acte de décès du PS au lendemain de sa débâcle aux élections européennes du 7 juin. Mais si elle abusait de sa parole, elle courrait le risque de s'identifier à un parti inaudible et malade.

 


L'ancienne candidate socialiste à l'Elysée est bien décidée à combattre les "légendes" et les "mythes" qui entretiennent son image. Hors du PS ?

"Je suis dans le parti. On a une responsabilité collective. On est tous redevables au parti."

"Je ne veux plus que mon nom soit instrumentalisé par un seul courant", réplique-t-elle en assurant qu'elle a décidé de ne plus inviter ses anciens lieutenants, Vincent Peillon et Manuel Valls - qui s'est de lui-même mis en congé -, à son conseil politique hebdomadaire. Obnubilée par des primaires ouvertes aux sympathisants du PS pour désigner le candidat à l'Elysée en 2012 ? Ségolène Royal approuve Martine Aubry, qui a reporté toute décision à 2010. Seule et abandonnée par ses amis du courant L'Espoir à gauche, formé au moment du congrès de Reims, en novembre 2008 ?

La présidente de la région Poitou-Charentes veut rester à distance des jeux d'appareil et juge "complètement décalée""immature" la précipitation d'annonces de candidature pour 2012 - de Manuel Valls à Pierre Moscovici, déjà déclarés, en passant par François Hollande et Bertrand Delanoë -, qu'elle assimile à des pratiques de "cours d'école", comme "au mauvais vieux temps". Pour l'heure, Mme Royal n'envisage pas de se rendre au séminaire de Marseille organisé par M.Peillon les 21 et 22 août, avec Robert Hue (PCF) et Marielle de Sarnez (MoDem). et même

Médiatiquement discrète, Mme Royal met en avant sa loyauté, depuis les européennes, vis-à-vis de la première secrétaire du PS. "Je suis plus loyale avec Martine que ceux (les fabiusiens et les strauss-kahniens) qui l'ont mise à la tête du parti", proteste-t-elle en se félicitant du dialogue direct noué avec la maire de Lille. Dans son entretien au Monde (daté 5-6 juillet), Mme Aubry a évoqué ses "rapports simples et naturels" avec son ancienne rivale. Et dans sa lettre aux militants du PS, le 19 juin, elle a insisté sur sa volonté de "rebâtir enfin le lien de confiance entre notre parti et les Français". "Je veux leur redonner la parole à chaque étape", a martelé Mme Aubry, avant d'annoncer, au séminaire de direction au centre d'entraînement de Marcoussis (Essonne), le 7juillet, un "tour de France" sur le projet socialiste. Mme Royal appuie cette démarche au parfum de "démocratie participative".

L'ancienne ministre a invité la maire de Lille à participer à ses universités populaires hebdomadaires au Théâtre Dejazet, à Paris, et lui a proposé de venir à celle qu'elle organise, du 30 septembre au 3 octobre à Poitiers, avec Edgar Morin, sur les "sept défis pour une politique de civilisation". Si elle a décliné l'invitation à se mêler à la mise en jambes idéologique de Marcoussis, Mme Royal veut apporter sa pierre, loyalement, à la reconstruction d'un PS dont elle juge "la situation très grave".

La "stratégie durable" de Mme Royal s'articule en trois étapes. D'abord, "travailler, travailler, travailler", avec sa garde rapprochée, la société civile et ses experts. Elle prépare pour la rentrée la publication d'un dictionnaire (amoureux ?) de la politique. Ensuite gagner la bataille des régionales pour être reconduite à la présidence de la région Poitou-Charentes, une réélection qui lui servirait de tremplin pour 2012. Enfin, la présidentielle. Mme Royal dessine un autoportrait du leader - "du charisme, du courage, un lien avec le peuple, du plaisir" - qui doit garder une dose d'imprévisibilité, histoire de conjuguer sa loyauté vis-à-vis du PS avec sa singularité. Sur les alliances, Mme Royal persiste et signe. Elle rêve toujours d'un arc-en-ciel allant de la gauche de la gauche au centre, en passant par le PS et les écologistes. Elle y travaille discrètement. A petits bruits."

 

Autre article paru dans Sud-Ouest le 4 Juillet

 

Ségolène Royal et l'autre politique


« Le PS, je ne m'en occupe pas. Je l'ai souhaité mais, au bout du compte, ce n'est pas moi qui le dirige. On ne va pas mener une guérilla sans fin. Je soutiens ce qui est fait, je suis loyale. »

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Sereine, décontractée, Ségolène Royal s'est livrée à une discussion à bâtons rompus avec la presse régionale, hier à Poitiers.

Un échange qu'elle a instauré depuis près de six ans et qui est souvent, pour elle, l'occasion de faire passer une foule de messages.

Ce fut le cas hier, lorsqu'elle a évoqué le Parti socialiste, se gardant bien du moindre mot désagréable à l'égard de Martine Aubry.
Bien au contraire, celle-ci devrait venir à l'une des universités populaires que Ségolène Royal a décidé d'organiser à Paris tous les lundis soir avec des plateaux souvent prestigieux. Ainsi, lundi prochain, sera-t-il question des pesticides et de leur influence sur la santé de l'homme, avec la participation du cinéaste Jean-Paul Jaud et du cancérologue Dominique Belpomme.

Hors des courants

« Le PS, je ne m'en occupe pas. Je l'ai souhaité mais, au bout du compte, ce n'est pas moi qui le dirige. On ne va pas mener une guérilla sans fin. Je soutiens ce qui est fait, je suis loyale. Un
point, c'est tout », explique la présidente de Poitou-Charentes qui,c'est évident à l'entendre, ne supporte plus que son nom soit cité à tort et à travers dans le parti.

« Je ne veux plus que mon nom soit instrumentalisé par tel ou tel courant. Je ne suis pas dans un courant et j'ai obtenu 50 % des suffrages des militants. Toute ma vie j'ai été hostile aux courants. Ils ont toujours fait beaucoup de mal au PS, ils détruisent lesrelations humaines », s'emporte-t-elle, avant de préciser que Désirs d'avenir, ce que d'aucuns ont toujours considéré comme le... courant Royal, était sur le point d'être transformé en « laboratoire d'idées», ses principaux responsables constituant autour d'elle un conseil
politique. « Des gens avec qui je discute dès que besoin. »

Pas de courant, mais alors sur quoi s'appuyer pour une éventuelle candidature à la présidentielle de 2012 ? La question est posée, la réponse tombe, cinglante : « Parler d'une telle candidature, c'est dérisoire quand vous voyez la cohorte de plans sociaux, les usines qui
ferment, les machines qui flambent. J'avais Estrosi au téléphone voilà quelques minutes pour lui faire prendre conscience de la gravité de la situation dans une usine de sous-traitant automobile de la région de Châtellerault. À côté de cela, 2012, c'est vraiment dérisoire. Je n'y
pense absolument pas, ne serait-ce que par hygiène personnelle. Ah non, au secours, ne nous abîmons pas là- dedans ! Et puis, dois-je rappeler que j'ai beaucoup donné ? »

Premier objectif : la Région


Un mot pour regretter que « la droite s'empare de tout » - « vous avez vu qu'ils veulent lancer des jurys citoyens, et je ne parle pas de démocratie participative ! » - et elle avoue que son premier objectif, c'est Poitou-Charentes. « Je veux faire bien ce pourquoi je suis
mandatée. Ma passion, c'est la politique, et je suis profondément heureuse de tout faire pour sauver Heuliez. Ma force de frappe, ma notoriété, je l'apporte à Poitou-Charentes, ne serait-ce qu'à chaque fois que j'interviens à la télé. On me disait qu'en quittant l'Assemblée, je n'allais plus exister, qu'un président de Région, ce n'est pas très prestigieux dans la galaxie politique. Or, une région,c'est un territoire vaste où l'on ne peut demeurer encroûté, où il faut être imaginatif. La politique et les projets vont de pair. »
Serait-elle déjà en train de dresser un bilan en vue des prochaines régionales ? « C'est quand, les élections ? » lance-t-elle, sérieuse,avant d'indiquer qu'elle lancerait sa campagne « le plus tard possible». « Pour l'instant, nous sommes au travail. Après les soubresauts que
l'on sait, il y a une très bonne ambiance dans la majorité. »

Voyage à Dakar

Et aussitôt l'ancienne candidate à la présidence de la République de repartir dans le concret,

« dans le besoin d'articulation très forte entre le local et le global », dans sa politique de croissance verte citée en exemple bien au-delà de l'Hexagone.

De se réjouir de son prochain voyage à Dakar pour la conférence des ministres africains de l'environnement. « On sera bientôt copiés une fois encore, puisque la Région a établi avec le Sénégal une coopération décentralisée prévoyant la mise en place de bourses
tremplins, d'aides à l'élevage caprin », sourit la présidente de Poitou-Charentes qui, elle le jure, ne songe à rien d'autre qu'à quatre départements français...

Une sévère polémique avec le préfet de Région.Il y a fort à parier que lundi prochain, à l'occasion de la commission permanente du Conseil régional de Poitou-Charentes, l'ambiance soit pour le moins tendue. Ce jour-là, Bernard Tomasini, le préfet de Région, est attendu pour évoquer quatre dossiers importants (dont les routes et la LGV SEA), exercice qu'il devait effectuer lors de la session du 22 juin dernier. Mais, au dernier moment, le rendez-vous
avait été annulé par le cabinet de la présidente au motif d'un ordre du jour trop chargé. Le représentant de l'État en a alors pris violemment ombrage, adressant tous azimuts un communiqué très sec et faisant parvenir des missives aux conseillers régionaux ainsi que le
discours qu'il avait préparé. Henri de Richemont, leader de l'opposition UMP, est monté au créneau, déclenchant une vive polémique autour d'un préfet présenté comme proche du parti sarkozyste.

À l'évocation de cet épisode, Ségolène Royal a laissé paraître une colère intacte, hier, qualifiant le préfet de « pas poli, vulgaire etgrossier personnage ». Ambiance...

Colère également lorsqu'il s'est agi d'entrer dans le détail des lourds dossiers socio-économiques de la région. « Dans tous ces planssociaux, on ne voit aucun préfet ou sous-préfet, ni d'élu de droite. C'est courage, fuyons », raille la présidente, pointant du doigt, à
propos d'Heuliez - « sans nous, ce serait fini ! » -, l'absence de politique industrielle liée à la voiture électrique, l'absence du plus petit progrès dans le dialogue social. « Les ouvriers sont jetés »,constate-t-elle en faisant référence au fabricant de lingerie Aubade
qui veut fermer son usine de la Vienne. « Ils préfèrent tout fabriquer en Tunisie, mais ils ont 20 % de retours au niveau des malfaçons. À ce tarif-là, je ne suis pas sûre que délocaliser soit rentable... »,glisse Mme Royal, qui soutient l'idée des salariées, lesquelles envisagent de produire de la lingerie pour les grandes tailles.

P. G.

Auteur : Patrick Guilloton

Publié dans Revue du net

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